Au travail, les femmes ne doivent ni être grandes, colériques ou même... drôles


Au travail, les femmes ne doivent ni être grandes, colériques ou même... drôles
  • 27 Janvier 2023

Quand on parle d’égalité femmes-hommes au travail, on pense en premier aux écarts de salaires, aux discriminations, aux agressions subies sur le lieu de travail... Mais certaines différences de traitement entre hommes et femmes sont plus pernicieuses.

Parmi elles, ce que l’on appelle des “doubles standards” viennent nuire à la carrière des femmes. Concrètement, cela veut dire qu’un même comportement sera perçu différemment s’il est incarné par un homme ou par une femme. Vous savez, c’est lorsqu’on qualifie un garçon qui multiplie les conquêtes de “Dom Juan”, quand une femme sera mise dans la case “fille facile”. Dans le monde professionnel, ces doubles standards sont nombreux et persistent. En voici cinq qu’il serait temps de déjouer.

La taille

Alors que l’actrice Gwendoline Christie fait fureur en ce moment du haut de son 1m91 dans la série Wednesday, contrairement à ce que l’on pourrait penser, la grande taille chez les travailleuses est loin d’être un cadeau. Elle n’est assimilée à l’élégance, au charisme et est socialement valorisée que dans quelques rares secteurs comme le mannequinat ou le sport. Mais dans la grande majorité des professions, les femmes de très grandes tailles rencontrent de nombreuses difficultés liées à leur stature “hors norme”. Un homme grand inspirera l’autorité, la prestance ou le leadership alors que pour la femme, ce sera un double frein : dans la réussite professionnelle comme dans la vie personnelle.

C’est notamment ce que met en avant la sociologue Marie Buscatto dans son étude «  La très grande taille au féminin : les ambivalences d’une stature hors norme » (CNRS Éditions). Elle prend comme point d’appui les femmes de très grande taille, qu’elle définit à partir d’1m77. Les stigmatisations associées à leur taille s’insinueraient jusque dans la sphère professionnelle. Ces femmes, de par leur grandeur, se verraient assimiler des capacités professionnelles “masculines”, donc valorisées, car correspondant à une construction sociale que nous connaissons bien (savoir s’imposer par exemple). Mais le constat que fait Marie Buscatto auprès de ses enquêtées, est que ces attributs masculins ne se transforment pas en ressources professionnelles potentiellement positives dans la réalité, et ce pour une raison bien simple : leur sexe. Les femmes élancées ne jouissent pas, à la différence de leurs homologues hommes, de la “prime de la taille” car dans le regard d’autrui, elles restent des femmes. Pire, un enquête réalisée auprès d’étudiantes de grande dépeint ces femmes comme exerçant une « intimidation involontaire » et pouvant être considérées comme une « menace ».

Alors, vous aussi les très grandes dames vous font peur ?…

Les cheveux blancs

Déjà en 2023, et pourtant… « Une femme qui fait son âge peut encore être exclue du marché du travail », dénonce la journaliste de Quotidien, Maïa Mazaurette, face à l’éviction de Lisa La Flamme  au motif de ses cheveux blancs. Depuis quelque temps déjà, des personnalités ont pris d’assaut les réseaux sociaux pour revendiquer leurs chevelures argentées (influenceuses, actrices…) jusqu’à lancer une certaine tendance avec le hashtag #greyhair. Mais qu’en est-il pour la vie de bureau de tous les jours ? Eh bien la réalité est moins glorieuse…
On le sait tous (et il n’y a qu’à prendre l’exemple de George Clooney ou de votre patron de 56 ans aux tempes grisonnantes), les cheveux blancs pour les hommes sont synonymes de bouteille, de charisme, voire de sagesse. On pourrait jusqu’à parler d’attirance pour les cheveux poivre et sel masculins – 72% des femmes les trouveraient séduisants. Mais lorsqu’une femme ose laisser pointer ses racines, les quolibets fusent : comment ose-t-elle se laisser autant aller ?… Ah, l’âgisme n’a pas le même goût pour les femmes au travail. Elles n’ont pas le droit de vieillir et ce cheveux blanc représenterait leur obsoléscence programmée. Il faut rester jeune et belle, et ce jusqu’à la pointe des cheveux.

Il serait temps de laisser ce double standard futile derrière nous car l’égalité au travail passerait aussi par les cheveux ! Et si vous hésitez encore à laisser pousser vos cheveux blancs, Sophie Fontanel ou Sylviane Degunst pourront peut-être vous faire changer d’avis…

Les vêtements

L’ambiguité du vêtement pour la femme au travail… On en revient, finalement, toujours au même choix infernal : « être ou ne pas être assez féminine ». Faire claquer les talons hauts (en pensant se sentir puissante), ou se glisser dans un pantalon de costume sobre pour au contraire se fondre dans les critères masculins du monde professionnel.
Les injonctions sont si contradictoires qu’elles en deviennent affligeantes, ces dernières pouvant varier en fonction des secteurs d’activité. Ainsi, nombreuses sont les polémiques engendrées par les tenues des femmes politiques (on se souvient des sifflets machistes de certains députés en juillet 2012 devant la robe estivale de Cécile Duflot). Dans la politique et certains secteurs de pouvoir, il faut donc cacher sa féminité pour faire entendre ses idées. A contrario, dans d’autres secteurs comme le sport, les tenues imposées sont ultra féminines, voire sexys. Mais pourriez-vous citer une situation similaire pour un homme, rendu homme-objet dans son costume ou son jean ? La réponse est évidemment à la négative…

Selon une étude Harris Poll, malgré un retour généralisé au bureau, 52% des femmes préféreraient travailler à distance. Une des principales raisons soulignées est que cela leur permettrait de passer moins de temps à soigner leur apparence “professionnelle”. Mais pourquoi de si fortes injonctions sur l’apparence de la femme ?

Simone de Beauvoir fait une analyse très pertinente de la représentation du vêtement dans son ouvrage Le deuxième sexe. Elle écrit que « la femme se détermine et se différencie par rapport à l’homme et non celui-ci par rapport à elle (…) Il est le Sujet. Il est l’Absolu. Elle est l’Autre. » Selon elle, « soigner sa beauté et s’habiller » peut-être considéré comme un travail qui lui donnerait l’apparente sensation de « s’approprier sa personne ». Alors si le vêtement peut être un symbole d’expression, il peut aussi réduire au statut d’objet désirable, alors qu’un homme ne se définit jamais comme tel. Que ce soit dans l’open space ou sur un terrain de volley, difficile pour la femme de réellement s’approprier son vêtement, pour elle seule et personne d’autre…

L’humour

Vous pensiez que l’humour  était une qualité passe-partout forcément appréciée dans le monde du travail ? Raté. Si l’humour aide les hommes à évoluer dans le monde de l’entreprise, il nuirait à la carrière des femmes. C’est en tout cas ce que révèle une étude américaine parue en 2019 dans le Journal of Applied Psychology. L’expérience est simple : sur un groupe de 96 personnes, une moitié a lu le CV de “Sam”, un gérant de magasin, puis visionné sa vidéo de présentation au ton humoristique. Pour l’autre groupe, Sam avait le même CV, la même vidéo, mais était une femme. À la fin de l’étude, les participants devaient évaluer le rôle de l’humour dans leur jugement de Sam. Puis, dans un second échantillon de 216 personnes divisé en 4 groupes, l’un recevait la même vidéo de Sam en homme drôle, un second de Sam en femme drôle, puis une de Sam en homme neutre et enfin une de Sam en femme neutre. Ici, les participants devaient juger la qualité de la présentation, la légitimité de Sam ainsi que ses chances d’évoluer au sein d’une entreprise. On ne fait pas durer le suspens : non seulement l’homme drôle est mieux perçu que la femme drôle, mais il a aussi plus de chance d’évoluer que l’homme sérieux alors que la femme drôle est pénalisée par rapport à la femme sérieuse.

Pour les chercheurs, les femmes seraient jugées plus sévèrement pour différentes raisons : elles sont déjà moins représentées parmi les professions humoristiques (certains seraient donc surpris de les constater drôles), mais surtout, l’humour serait perçu chez elles comme une preuve qu’elles ne prennent par leur travail au sérieux. Mesdames, gardez donc vos blagues pour vos amis !

“La colère chez une femme est considérée comme le fruit - inacceptable - de sa personnalité et non comme une réelle réaction à une injustice ou à tout autre déclencheur négatif.”

L’expression de la colère

Au travail, un homme qui tape du poing sur la table, ça en jette : signe que ce dernier s’affirme et qu’il - le pauvre - réagit certainement de cette manière à cause du stress  qu’impose son rôle. Pour une femme en revanche, ce n’est pas le même topo. Sa colère est considérée comme le fruit - inacceptable - de sa personnalité et non comme une réelle réaction à une injustice ou à tout autre déclencheur négatif. Même si les raisons de sa colère sont tout à fait légitimes, on lui fera comprendre qu’« une femme qui s’énerve, ce n’est pas très joli », ni poli, ni sain et surtout, elle risque de passer pour une hystérique. Dans les cas les plus désespérés, elle risque même de se voir demander si elle a « ses ragnagnas ». On se rappelle ainsi le tristement célèbre « Calmez-vous Madame ça va bien se passer adressé par Gérald Darmanin à la journaliste Apolline de Malherbe en février 2022.

Ce double standard a été confirmé par une étude menée par le cabinet de conseil VitalSmarts qui révèle que la rémunération méritée des femmes qui parlent haut et fort sur leur lieu de travail chutait de 15k$ (c’est moitié moins pour les hommes). Et ce n’est pas tout : la perception de leur niveau de compétences diminuerait lui aussi de 35% lorsqu’elles s’énervent. Difficile donc pour la gente féminine de se montrer plus assertive dans le milieu professionnel lorsqu’on sait que leurs émotions sont régulièrement niées, minimisées, bafouées et alors qu’on montre plus d’empathie et de tolérance pour leurs collègues masculins…


Source: Welcome tou the jungle


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