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Les femmes à la tête d’entreprises sont encore peu nombreuses, même au Canada. Mais la présence de celles qui ont franchi le fameux plafond de verre commence à se faire sentir... et à se faire réfléchir. Les femmes font-elles de meilleures chefs d’entreprise ?
Le concept de base était inusité, mais assez simple : réunir autour d’une
table (virtuelle, parce que nous sommes en 2021) une femme d’affaires qui a
fracassé à quelques reprises le fameux plafond de verre et de jeunes
entrepreneures qui rêvent de changer le monde.
Le résultat semble avoir été fidèle à la personnalité des trois femmes en présence : ambitieux et original. Preuve, s’il en faut, que le maillage et le réseautage sont la clé pour accroître les chances de succès quand on se lance en affaires.
1. « L’ubérisation » de l’économie
Premier conseil : innover de manière collective et inclusive
L’arrivée ces dernières années de nouveaux services numériques comme Airbnb et Uber a chamboulé les secteurs des services hôteliers et du taxi, qui étaient jusque-là peu touchés par Internet et les appareils mobiles. On en a dérivé une expression, « l’ubérisation de l’économie », qui englobe tous les cas où une entreprise, naissante de préférence, tente de court-circuiter une industrie entière à l’aide d’une nouvelle technologie.
De grandes entreprises ont essayé de s’inspirer de ce phénomène pour rafraîchir leurs activités commerciales. On l’a vu du côté des banques. Le solaire et l’éolien pourraient avoir le même effet dans le secteur énergétique mondial. Emily Charry Tissier perçoit une limite à ce mouvement. « Les grandes entreprises peuvent essayer de casser le système ou de vouloir l’améliorer, mais rarement elles se remettent en question », observe-t-elle.
Hydro-Québec a déjà joué un rôle de perturbateur. Sa p.-d.g. rappelle pourquoi et comment la société d’État a été nationalisée, en 1963. Une sorte d’ubérisation avant le temps ? À l’époque, la vente et le coût de l’électricité au Québec étaient très variables d’une région à l’autre.
« Un élan d’insatisfaction a produit un élan de fierté. Je m’inspire de ça pour l’avenir. Le Québec est un petit marché, alors c’est moins le fait que le Québec atteindra ses cibles [climatiques] qui va changer le monde que la façon dont on va le faire. Ça peut devenir une inspiration pour les autres : comment on a mis nos efforts en commun pour atteindre cette cible. »
Mme Brochu suggère une piste de transformation pour le secteur énergétique québécois : « Je rêve de “mapper” qui au Québec fait quoi. Entre entreprises et chaires de recherche, les gens ne se parlent pas assez. En ce moment, c’est trop individualiste. L’innovation devrait être collective. » Et inclusive.
2. Rêver grand
Second conseil : voir grand
Quand on se lance en affaires, « il faut rêver grand », croit Sophie Brochu. Quand on rêve petit, on ne s’associe pas à des gens qui vont nous aider à devenir plus grands, ajoute-t-elle. Il ne faut pas hésiter à sortir de sa zone de confort et à demander de l’aide… y compris pour la promotion de son projet. « On parle souvent de mentorat, mais on a aussi besoin de sponsors. » Des gens qui vont faire rayonner l’entreprise au-delà de son environnement immédiat. « Des mentors, il s’en trouve beaucoup, mais des sponsors, c’est plus rare. »
Cette affirmation résonne fort auprès des deux jeunes entrepreneures, mais elle s’applique aussi plus largement. Le manque de reconnaissance des jeunes pousses auprès des plus grandes entreprises québécoises est régulièrement cité comme un des principaux freins à la croissance des nouvelles entreprises. Chaque année, l’organisme Startup Genome compare les principaux écosystèmes entrepreneuriaux dans le monde et il a identifié ce problème comme un des éléments qui empêchent Montréal de se figurer plus haut dans son palmarès.
La situation change, cela dit. Plusieurs accélérateurs et incubateurs de jeunes pousses sont associés à de grandes entreprises d’ici. Hydro-Québec a un partenariat avec Cycle Momentum dans les technologies propres. La Banque Nationale est partenaire de l’organisme Bonjour Startup Montréal, etc.
C’est aux start-up de déterminer les synergies potentielles et de contacter les gens qui les aideront à entrer dans le Québec inc. par la bonne porte.
3. Faire sa place au soleil
Troisième conseil : ne pas craindre de demander (et d’obtenir) de l’aide
Le réseautage, c’est bien, mais trouver la bonne forme d’aide, c’est mieux, dit Dieynaba Diagne. « La Jeune Chambre de commerce, Mtl inc., HEC Montréal, tout ça est un petit monde. On tisse des liens et on finit par se faire connaître. » Au-delà d’une aide financière, élément évidemment vital pour toute start-up, « le maillage est le principal bénéfice qui pourrait nous intéresser » de la part des grandes entreprises, ajoute Mme Diagne.
Une société comme Hydro-Québec a des ressources et une expertise qu’elle pourrait partager avec les jeunes pousses, mais surtout une capacité de mettre les bonnes personnes en relation pour augmenter leurs chances de succès. Fracasser des plafonds de verre ne se fait pas seul dans son coin…« Les jeunes doivent demander de l’aide. C’est un signe d’intelligence », dit Sophie Brochu.
Le Québec inc. pourrait s’impliquer davantage aussi, ajoute-t-elle. « J’aimerais voir un entrepreneur en résidence dans chacune des grandes entreprises du Québec. » Elle parle de la création d’un poste d’innovateur en chef au sein d’Hydro-Québec et rêve d’un sommet québécois de l’innovation qui mettrait en relation les gens du Québec inc. et ceux du monde des start-up.
Après tout, l’économie, c’est comme une forêt, illustre-t-elle. « Les grands arbres peuvent finir par prendre toute la lumière et, dans 50 ans, quand ces grands arbres vont tomber, il faudra tout reconstruire. » Les grands arbres doivent laisser un peu de soleil aux jeunes pousses… mais c’est aux jeunes pousses de trouver les bons endroits où grandir.
Déborah CHERENFANT, Directrice régionale, Femmes entrepreneures...
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